Au Au commencement était le mot
 
LÉGENDE DE COMPOSTELLE
On en reviendra aux fables
 
 
1. Récemment, a disparu de la cathédrale de Saint Jacques le Códice Calixtino, considéré comme “le premier et le plus célèbre des guides du pélerin”. Evidemment, le chapitre de la cathédrale se sent victime d´un vol et d´une terrible spoliation”. Et cependant, année après année, on célèbre la fête de Saint Jacques et personne ne paraît accorder d´importance à la fraude historique et religieuse que constitue la légende de Compostelle. La fraude, ou tromperie, présente deux points particulièrement sensibles: le faux sépulcre de l´Apôtre, et la déformation fanatique de sa figure. Nous aborderons quelques points à ce sujet.
2. Saint Jacques est l´un des fils de Zébédée, pêcheur de Galilée et l´un des premiers disciples de Jésus (Mt 4,22). Hérode Agrippa ordonna sa décapitation en l´an 43:” Il fit mourir par l´épée Jacques, le frère de Jean” (Ac 12,2). Les deux frères, Jésus les appelle “fils du tonnerre” (Mc 3,17); ce sont eux qui, appuyés par leur mère, provoquent l´indignation des autres parce qu´ils aspirent aux premières places (Mt 20,24). Saint Jacques est appelé “le Majeur” afin de le distinguer du “Mineur”, “le frère de Jésus”. C´est lui qui joue un rôle important dans la première communauté chrétienne (Ac 12,17;15,13;21,18), il est considéré comme l´auteur  de la lettre qui porte son nom et il meurt martyr vers l´an 62 (Josèphe, Egésipe).
3. Dans la Nouveau Testament, rien n´est dit d´une possible venue de Jacques le Majeur en Espagne. Dans la lettre aux Romains, c´est Paul lui-même qui pense venir (Rm 15,24.28). Saint Clément Romain, dans une lettre aux fidèles de Corinthe qui date des années 96 après J.C., le présente comme un fait acquis: “Paul..., constitué héraut du Christ en Orient et en Occident, parvint à la haute renommée de sa foi; et, après avoir enseigné au monde entier la justice et avoir porté témoignage devant les autorités, il sortit de ce monde et s´en fut au lieu saint, nous transmettant le plus noble legs de patience qui soit”. D´autres témoignages vont dans le même sens: le fragment du Muratori (de la fin du IIº siècle); des Actes apocryphes du IIIº siècle, Saint Jérôme et quelques autres auteurs du IVº siècle.
4. Des manuscrits postérieurs parlent de sept “vaillants apostoliques” que les saints apôtres Pierre et Paul auraient envoyés en Espagne pour prêcher la foi: Torcuato, Ctsifón, Indalecio, Eufrasio, Cecilio, Hesiquio et Segundo furent les premiers à occuper les sièges apostoliques de Guadix, Beja, Urci, Andújar, Carteya, Avila y Granada. En ce qui concerne la venue de Saint Jacques en Espagne, d´autre manuscrits s´y réfèrent ainsi: “Il s´agit de témoignages tardifs de Saint Jérôme, Didyme l´Aveugle, et de Théodorète; de quelques Catalogues apostoliques ou byzanthins des IVº et Vº siècles; et d´un autre témoignage qui apparaît dans le Bréviaire des Apôtres du VIIº siècle (Martín Hernández).
5. Vers la fin du XVIº siècle, quand Clément VIII ordonne la révision du bréviaire, il en fait supprimer la phrase intoduite par Pio V: “Saint Jacques parcourut L´Espagne et y prêcha l´Évangile”. Urbain VIII la rétablit à nouveau, mais la polémique continue par la suite. “Nous n´avons pas non plus de témoignages primitifs qui puissent confirmer les traditions qui ont fleuri  autour de Saint Jacques, entre autres celle de la Vierge du Pilar. La seule référence est celle qu´on trouve dans un document daté de la fin du XIIIº siècle; quant au tombeau de l´Apôtre, les premières références que nous en avons ne vont pas au-delà du IXº siècle” (Martín Hernández).
6. Voici en quoi consiste la légende de Compostelle: “La tradition nous raconte comment son corps est recueilli par ses disciples et transporté par bateau à Iria Flavia, à l´époque un port romain à l´activité forissante (...). Puis le corps, alors transporté par terre, traverse les possessions de la reine Lupa (qui règnait sur le castro lupario).  Celle-ci, en réponse à la demande d´autorisation d´enterrer l´Apôtre, les envoie à Filotro (probablement le représentant de l´autorité romaine) qui les fait arrêter; mais ils réussissent à s´échapper miraculeusement. De nouveau en présence de Lupa, ils domptent des taureaux; ce que voyant, la reine se convertit au christianisme et leur accorde des terrains pour la sépulture (...). Les fidèles de la chrétienté commencent à visiter ce lieu jusqu´à ce que Vespasien, après plusieurs persécutions, interdise ces réunions en l´an 257. C´est la raison pour laquelle le monument est dissimulé et tombe rapidement dans l´ oubli, envahi par une épaisse végétation”.
7. En l´an 813, il court des rumeurs selon lesquelles le moine Pelayo (chargé de la communautéde San Fiz) aurait vu des lueurs et entendu des cantiques célestes dans un bois voisin. L´évènement est transmis à l´évêque d´Iria Flavia, Teodomiro, qui se rend sur les lieux pour vérifier la véracité des faits; c´est ainsi qu´on découvre, la même année, les restes d´une petite crypte contenant les sépulcres de Saint Jacques et de ses disciples, ainsi qu´une pierre tombale qui le ratifie. Lorsqu´il apprend la nouvelle, le roi Alfonso II el Casto se rend sur les lieux, puis rend compte de la découverte à Charlemagne et à Léon III; celui-ci la porte alors à la connaissance de la chrétienté au moyen d´un édit papal”.
8. “Le roi ordonne alors de construire sur le lieu une petite église ainsi que le baptistère et le monastère d´Antealtares pour les moines bénédictins qui sont chargés de la garde du sépulcre. Quelques années plus tard apparaîtra l´église de Sainte Marie de la Corticela (...). En l´an 844, sous le règne de Ramiro I, a lieu la fameuse bataille de Clavijo contre les Maures: la légende raconte que Saint Jacques serait apparu miraculeusement dans la bataille et aurait apporté la victoire aux troupes chrétiennes tandis qu´elles attaquaient au cri de ¡Santiago, cierra España!”.
9. En 898, Alfonso el Magno construit une nouvelle église et en 1095, le siège d´Iria Flavia est transféré à Saint Jacques. En 1102, l´évêque Diego Gelmirez –sous l´égide d´un édit papal- spolie plusieurs églises de Braga, au Portugal, et fait transporter secrètement à Saint Jacques les reliques de plusieurs saints. La question suivante se pose: s´il avait en sa possession les restes de l´Apôtre, pourquoi en faire venir d´autres? Du point de vue d´une référence de pélerinage, il est vrai, Rome elle-même n´en avait pas autant. En 1589, sous la menace des troupes anglaises, l´archevêque Juan de Sanclemente prend la décision de tenir cachés les supposés restes de l´Apôtre et le lieu tombe dans l´oubli. C´est en 1789 que le cardinal Payá y Rico trouve les restes sur le lieu aujourd´hui marqué d´une étoile, et en 1884 que Léon XIII le fait connaître à la chrétienté au moyen de l´édit “Deus Omnipotens”.
10. L´historien Claudio Sanchez Albornoz affirme ce qui suit: “En dépit de tous les efforts de l´érudition d´hier et d´aujourd´hui, il n´est pas possible, cependant, d´avancer en faveur de la présence de Saint Jacques en Espagne et du transport de ses restes dans ce pays, un seule nouveauté  apportée par l´histoire qui soit claire et autorisée. Un silence de plus de six siècles entoure le fait conjoncturel et dépourvu de vraisemblance de l´arrivée de l´apôtre en Occident; et un silence d´entre un et huit siècles celui du non moins conjoncturel et tout aussi dépourvu de vraisemblance “traslatio” (transport ou transfert)”. C´est seulement au VIº siècle qu´a surgi au coeur de la chrétienté occidentale la légende de la prédication de Saint Jacques en Espagne, mais celle-ci ne parvint à la Péninsule que vers la fin du VIIº siècle” ( En los albores del culto jacobeo, “Compostellanum” 16, 1971, pp. 37 à 71).
11. En présence de la légende de Compostelle, il convient de rappeler l´avertissement de Saint Paul: “Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps; il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine; ils détourneront l´oreille de la vérité pour se tourner vers les fables” (2 Ti 4,2-4).  Les lectures qui sont propres à la fête de Saint Jacques permettent, elles, de récupérer la véritable figure de l´Apôtre: “Il faut obéïr à Dieu avant que d´obéïr aux hommes” (Ac 4,3-5,12); “Nous sommes pressionnés, mais non pas écrasés” (2 Co 4,7-15); “Celui qui veut être grand parmi vous, qu´il se fasse votre serviteur” (Mt 20,20-28). Au moment historique dans lequel nous nous trouvons, il convient de promouvoir l´alliance entre les civilistions, et non pas leur affrontement. L´image de Saint Jacques “tueur de Maures” constitue une déformation fanatique de sa figure. Dans le fond, c´est le fanatisme religieux qui tue (Ac 12,3).
12. Vendredi 22 juillet 2011: double attentat en Norvège. À Oslo, l´explosion d´une voiture piégée cause la mort de 8 personnes et  68 jeunes du Parti Travailleur sont exécutés sur l´île de Utoya. L´assassin est Anders Behring Breivik, un Norvégien d´extrême droite, membre de la loge franc- massonne John Lodge, militant entre 1999 et 2007 du Parti du Progrès (parti nationaliste et xénophobe qui jouit de 23% des voix). L´assassin note dans son journal intime que, le 11 juillet, il pria pour la première fois depuis longtemps: “J´ai expliqué à Dieu, écrit-il, que, à moins qu´il ne veuille une alliance marxiste-islamiste et la prise du pouvoir assurée de la part des Musulmans, il devra faire en sorte que les guerriers qui luttent pour la préservation de la chrétienté aient le dessus”. Et le criminel d´avouer “qu´il se sent orgueilleux d´avoir déclaré une guerre, une nouvelle croisade”.