Au Au commencement était le mot
 
LE MARIAGE ROYAL
  1. Le 1º novembre dernier, a eu lieu le communiqué officiel des fiançailles du prince Felipe et de Letizia. Evidemment, la nouvelle a obtenu dans les media, le jour même et les jours suivants, un impact maximum. Le mariage royal sera célébré dans la cathédrale de l´Almudena, le 22 mai. Si les données publiées sont exactes, cette célébration présente un grave problème, non pas du point de vue de la Constitution, mais du point de vue de l´Evangile.
  2. Comme il est de notoriété publique, Letizia est divorcée. Letizia Ortiz Rocasolano (Oviedo, 1972) s´est mariée civilement avec Alonso Guerrero Perez (Mérida, 1962) le 8 octobre 1998, à Almendralejo. Le consentement des époux a été reçu par Manuel Jesús Morán, maire à l´époque et membre du PP. Les mariés “s´étaient connus en 1989, quand lui donnait des cours de Littérature au lycée madrilène Ramiro de Maeztu, et qu´elle y était élève. Avant de se marier, ils vécurent ensemble pendant six ans, auxquels vint s´ajouter une année de mariage éphémère“, dit Ana María Ortiz, dans une interview faite à Alonso (El Mundo, 9-11-03).
  3. Alonso est professeur dans un lycée de la banlieue madrilène. Il habite un immeuble de deux étages, dans la rue Pareja Serrada, au centre de Guadalajara: “Aucune trace de sa seconde épouse, María del Carmen Astero, elle-aussi professeur d´Enseignement Secondaire. Ni du fils de celle-ci, d´environ quatre ans, dont on dit qu´il l´aime comme son propre fils. Pendant l´interview, il fait preuve de timidité, de beaucoup de prudence.” Il omet de dire, par exemple, que  le vendredi 31 octobre 2003, la veille de l´annonce officielle des fiançailles de Letizia avec le prince Felipe, il a appelé ses parents à Almendralejo. Juan Francisco, travailleur agricole actuellement à la retraite, et Dolores, femme au foyer, ne parvenaient pas à croire ce qu´ils entendaient: “Leur fils leur disait qu´on annoncerait le lendemain que Letizia Ortiz allait se marier avec le prince, et qu´ils devaient faire disparaître toutes les photos et films qu´ils pouvaient avoir du mariage. Et c´est ce que firent ses parents”.
  4. L´assesseur juridique et canonique de l´Archevêché de Madrid, Roberto Serres, suit une tradition bâtarde (du point de vue doctrinal et canonique) qui s´est imposée peu à peu pendant le deuxième millénaire, et affirme qu´”il n´existe aucun obstacle” au mariage du prince: “entre baptisés, il ne peut exister d´engagement matrimonial valable qui n´ait pas valeur de sacrement”, “le simple mariage civil des catholiques est un mariage qui n´est pas canoniquement célébré, et qui, en conséquence, est nul” (ABC, 11-11-03).
  5. Ceci étant posé, quel est le rapport de toute cette question avec l´Evangile? Sommes-nous en présence d´une tradition     qui annule la parole de Dieu? Les doctrines enseignées seraient-elles uniquement des préceptes  humains? (Mc 7,7-13). En   réalité, et de façon trompeuse, on inverse le contenu de l´Evangile. Il s´agit d´une tradition perverse, qui fait chuter beaucoup, et qui avilit les prêtres vis à vis du peuple (Mal 2,8-9). En toute certitude, à l´origine, il n´en fut pas ainsi (Mt 19, 8). Ce que dit Jésus est ceci: Quiconque  répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère (Mc 10,11-12).
  6. Pour Jésus, tout mariage est indisoluble. Ceux qui rejettent l´indissolubilité, Jésus les appelle à la conversion; il n´annule pas leur mariage. Jésus renvoie au projet initial de Dieu sur l´homme: l´homme quittera son père et sa mère, et il s´unira à sa femme, et les deux ne feront qu´une seule chair…ce que Dieu a uni, l´homme ne doit point le séparer (10,7-9). Il est écrit dans les prophètes:  Et  la femme de sa jeunesse, qu´on ne la trahisse pas . Car moi je hais la répudiation (Ml 2,15-16). Et c´est ce que Jean-Baptiste, qui le paya de sa vie, dit à Hérode: Il ne t´est pas permis d´avoir la femme de ton frère (Mc 6,18). Le projet de Dieu sur le mari et la femme est pour tous, croyants et non-croyants. Il se manifeste sous des formes diverses selon les peuples et selon les époques: “Beaucoup de nos contemporains, dit le Concile, exaltent l´amour authentique entre mari et femme, manifesté de différentes manières selon les coutumes honnêtes des peuples et des époques” (GS 49).
  7. Aux premiers siècles, il est dit dans la Lettre à Diognète ( milieu du IIº siècle), que les chrétiens se marient comme tout le monde, selon le rite juif ou le rite romain, par exemple. Les lois impériales sont acceptées, tant qu´elles ne vont pas à l´encontre de l´Evangile. Le mariage est célèbré devant le Seigneur (1 Co 7,39), comme n´importe quel autre évènement de la vie, sans cérémonie spéciale.
  8. Au cours du premier millénaire, on constate la profonde influence du droit ramain, selon lequel seul, le consentement est strictement nécessaire pour le mariage, quelque soit la forme qu´il adopte: “Ce n´est pas l´union sexuelle qui fait le mariage, mais le consentement”, dit au VIº siècle le Code de Justinien (Digesta, 35,1,15). Le pape Nicolas 1º (en 866) répond ainsi à la délégation bulgare qui le consulte sur ce qui est essentiel dans le mariage:”Qu´il suffise, selon les lois, du seul consentement de ceux de l´union en question. Pour des noces, dans le cas où ce seul consentement manquerait, tout le reste, même accompagné de coït, n´a pas de valeur” (Dz 334). Voir la catéchèse Se marier devant Dieu.
  9. C´est au deuxième millénaire que  l´Eglise revendique une compétence juridique sur le mariage. Les circonstances lui sont favorables. L´ Eglise commence à exiger, de plus en plus rigoureusement, que le consentement mutuel soit donné en public, en présence du prêtre, dans l´église, ou plus souvent encore, à la porte de l´église, comme l´indiquent plusieurs rituels des XIº-XIVº siècles. C´est le IIº concile de Latran (1139) qui inclut le mariage parmi les sacrements (Dz 367). Le concile de Trente, en réaction contre les affirmations des réformateurs, défend l´aspect sacramantel du mariage chrétien et le droit de l´église à le réguler. Par décret consiliaire est établie une forme canonique de célébration (là où existe cette possibilité). A partir de ce moment-là, le mariage des baptisés ne sera pas valable, il sera nul, s´il n´est pas célébré “en présence du curé de la paroisse, ou de tout autre prêtre muni de la licence accordée par le curé de la paroisse ou par l´Ordinaire, et devant deux ou trois témoins” (Dz 992). Ce que l´on veut, c´est garantir la validité du sacrement, ainsi qu´éviter le danger de la clandestinité et des obstacles possibles; mais cela constitue une atteinte au droit humain commun.
  10. Revenant au cas concret, certaines personnes (en relation avec Paloma, la mère de Letizia, ou avec le Ramiro de Maeztu) diffèrent  des informations publiées, et maintiennent que Letizia était mariée avec un homme séparé (Alonso). Si tel était le cas, la situation de Letizia changerait à la lumière de l´Evangile, puisque son mariage aurait été un adultère, et qu´il serait, de ce fait, radicalement dissoluble. Il est possible que, pour le spécialiste en droit canonique, cela ne présente pas d´importance; mais, pour l´Evangile, c´est le cas. Nous avons le dialogue de Jésus avec la samaritaine, qui garde sa valeur de nos jours: tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n´est pas ton mari (Jn 4,18).
  11. Quoi qu´il en soit, on remarque qu´Alonso habite la rue Pareja Serrada, à Guadalajara, et que l´assesseur juridique et canonique de l´Archevêché s´appelle Roberto Serres. Gardez-vous des scribes! (Mc 12,38), lisait-on dans toutes les églises le jour de la publication de l´interview d´Alonso, le 9 novembre dernier, fête de l´Almudena. Trois jours plus tard, en pleine campagne des media, on lisait un passage du livre de la Sagesse qui demandait le respet pour les choses saintes: C´est à vous, souverains, que s´adressent mes paroles, pour que vous appreniez la sagesse et que vous évitiez les fautes, car ceux qui conservent saintement les choses saintes seront reconnus saints, et ceux qui s´en laissent instruire y trouveront de quoi se justifier (Sg 6,9-10). Le psaume propre du jour était très dur, une parole de jujement: Jusques à quand jujerez-vous faussement et soutiendrez-vous le prestige des impies? Le psaume se terminait par cette prière: Dresse-toi, oh Dieu, et juje la terre, car tu domines sur toutes les nations! (Ps 82).

*Dialogue: Quel jujement mérite le mariage royal, à la lumière de l´Evangile?

  • c´est un sacrement, et le mariage antérieur est inexistant
  • c´est un adultère, et le mariage antérieur est réel
  • il n´y a pas de problème, elle était mariée avec un homme séparé
  • le sacrement, célébration de la foi, est pour les croyants
  • Madrid vaut bien une messe: inadmissible