Au Au commencement était le mot
 

1. Toute évangélisation se greffe sur cette expérience biblique de base: Dieu parle aujourd´hui même. Comme l´a dit Jésus aux envoyés de Jean le Baptiste, cette expérience est, avec d´autres, signal et gage d´authenticité: les sourds entendent (Mt 11, 5). Ainsi se réalise ce qu´avaient accompli les prophètes: Ce jour-là, les sourds entendront les paroles d´un livre (Is 29, 18). Et aussi: Les oreilles des sourds s´ouvriront(35,5).

2. Dans la Bible, le principal problème religieux de l´homme ne réside pas dans la question: Dieu existe-t-Il ou non?, mais bien plutôt: Dieu parle-t-Il ou non? De telle sorte que l´homme peut écouter les pas de Dieu dans le jardin du monde, mais il peut aussi se cacher (Gn 3,8); c´est l´écoute qui constitue Israël “Peuple de Dieu”(Dt 6,4); Dieu révèle à Israël sa Parole, ce qu´Il n´a fait pour aucune autre nation (Ps 147, 19-20); face aux dieux muets des nations, le Dieu d´Israël est un Dieu qui parle (Ps 115, 59); la Parole est don de Dieu pour les simples: Quand elles s´ouvrent, tes paroles illuminent et donnent l´intelligence aux simples (Ps 119, 130); privés de la Parole, les peuples ont faim, ont soif, sont dans l´errance (Am 8, 1-12); et les prophètes crient, sans qu´on puisse les faire taire: Ecoutez la Parole (Am 3,1; Jr 7,2).

3. Pour Jésus de Nazareth, évangéliser, c´est semer la Parole (Mc 4,14); la Parole est quelque chose de vital, comme l´air ou le pain (Mt 4,4); c´est autour d´elle que se constitue la vraie communion, la vraie famille (Lc 8, 21); celui qui fonde sa vie sur la Parole construit sur du roc (Mt 7, 24); celui qui la rejette introduit la division au plus profond (Jn 10, 10); c´est sur leur attitude vis à vis de la Parole que les hommes seront jugés (Jn 12, 48). C´est avec une Parole qui s ´accomplit que Jésus réalise les signes qui manifestent la présence du Royaume de Dieu (M 8, 8-16), la conversion du cœur qui accompagne le pardon des péchés (Mt 9, 1-7), la mission des douze qui prolonge sa propre mission (Jn 20,21) et le signe définitif de la Nouvelle Alliance (Mt 26,26-29). Toute l´Ecriture constitue un témoignage en faveur de Jésus (Jn 5, 39). Lui-même est la Parole de Dieu faite chair (Jn 1,14), Parole que les siens ont rejetée (1,11), Parole qui transforme en enfants de Dieu (1,12), Parole qui fait ressusciter les morts (5, 25).

4. Pour l´Eglise naissante, évangéliser, c´est annoncer la Bonne Nouvelle de la Parole (Ac 8, 4); l´Eglise croît peu à peu avec la diffusion de la Parole (6,7;12, 24; 19,20); quand les non-croyants l´accueillent, ils deviennent croyants, de même que les Juifs (10, 44; 11,1); celui qui évangélise annonce, non pas une parole d´homme, mais la Parole de Dieu qui continue à agir au-milieu de nous (1 Thes 2, 13), une parole vivante et efficace (Hb 4, 12), qui n´est pas enchaînée (2 Tim 2,9), parole qui engage, même si, bien souvent, on négocie avec son contenu (2 Co 2, 17). En fin de compte, écouter ou ne pas écouter, accueillir ou rejeter la Parole, c´est là que se situe la frontière de la conversion à l´Evangile.   

5. Le fait que Dieu parle continue à être une réalité actuelle. Le Concile Vatican II l´a proclamé ainsi pour notre temps: Dieu, qui a parlé en d´autres temps, continue à converser avec l´Epouse de son Fils bien-aimé; et l´Esprit Saint, par lequel la voix vivante de l´Evangile se fait entendre dans l´Eglise, - et par elle, dans le monde entier-, conduit peu à peu les croyants vers la vérité dans sa totalité, faisant ainsi  que la parole de Dieu résonne en eux en abondance (DV 8). D´une manière toute spéciale, Dieu parle dans la Bible: Dans l´Ecriture Sainte, le Père, qui est au ciel va amoureusement à la rencontre de ses enfants pour converser avec eux (DV 21).

6. Une chose paraît importante: si Dieu parle, et quelle que soit la façon dont Il parle, le croyant se doit d´écouter; ceci suppose le respect pour l´initiative de Dieu (celui qui parle c´est Dieu, ce n´est pas l´homme), le discernement indispensable (personnel, pastoral, communautaire) et, finalement, l´accueil à quelque chose qui est, avant tout, don de Dieu lui-même (et non pas produit de l´homme). Il est, de plus,  un fait certain que toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour argumenter, pour corriger et pour éduquer dans la justice (2 Tim 3, 16-17), mais il existe des situations significatives dans lesquelles il apparaît clairement que Dieu continue à parler, ou que Le Christ intervient dans la conversation, comme ce fut le cas pour les pèlerins d´Emmaüs (Lc 24, 32).

7. De toutes façons, il est inutile de parler de méthode, car une méthode suppose un contrôle de la part de l´homme. Le contrôle doit exister dans     le discernement, pour ne pas s´abuser. La Parole de Dieu, vivante et efficace, transcende toute méthode: elle trouve son accomplissement dans la dynamique de l´Esprit. Ce qui est nécessaire, sans aucun doute, c´est une attitude fidèle dans l´écoute et dans le discernement, qui respecte l´initiative de Dieu, au-delà de tout rationalisme (qui considère impossible que Dieu parle aujourd´hui-même), au-delà de tout illuminisme (fausse illumination qui annoncerait une nouvelle révélation ou un nouvel évangile) et au-delà de toute magie, jeu ou manipulation (qui prétendrait faussement faire parler Dieu). 

8. L´expérience de la Parole qui rend possible la conversion de Saint Augustin est bien connue. Il avait prétendu donner le maximum de sens à sa vie en se passant de Dieu. Et, de fait, il se trouvait dans le marasme le plus profond, enfoncé dans l´insatisfaction et le vide, nu comme l´homme pêcheur (Gn 3, 7). Il avait entendu raconter plusieurs expériences de foi, comme celle de Saint Antoine. Celui-ci ayant reçu en héritage de ses parents une immense fortune, il lui vint à l´esprit d´entrer dans une église, et cela, juste au moment où on lisait l´Evangile: Vends tous tes biens et donne-le aux pauvres. Il écouta cette parole comme une parole de Dieu qui lui était adressée, et il en fit ainsi.

9. Dans le fond, Augustin voulait changer, mais il en était incapable. Dans cette situation, alors qu´il se trouve dans le jardin de Milan, il fait cette prière avec les larmes aux yeux: Jusque à quand, Seigneur...? C´est alors que, d´une maison voisine, un jeune enfant commence à dire: Prends et lis, prends et lis. Les questions affluent à l´esprit d´Augustin qui cherche le sens de cette phrase: s´agit-il   d´une chanson, d´un refrain ou cela peut-il être une parole de Dieu qui s´ adresse à lui en particulier? Devrait-il prendre la Bible et lire? Optant pour cette solution, il prend le livre de l´Apôtre, qu´il avait à portée de la main, il l´ouvre, et il commence à lire ce qui tombe sous ses yeux. Et voici ce qu´il trouva: Ni ripailles ni beuveries, ni luxure ni débauches, ni discorde ni jalousie; mais bien plutôt revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ et ne prenez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises (Rom 13, 13-14). Alipius, auquel Augustin en avait parlé, reçut cette parole comme une parole de Dieu et lui dit: Ce qui vient à la suite est pour moi: Accueillez favorablement celui qui se sent faible dans sa foi (Cf. Confessions, VIII).

10. Pour Sainte Thérèse, le Christ parle aujourd´hui, lui parle à elle-même: Vous pensez qu´Il se tait? Même si nous en l´entendons pas bien, Il parle directement à notre cœur (C 24, 5). Thérèse appelle locutions les paroles qu´elle reçoit de Dieu. Le Seigneur, pour parler, réutilise-dans le fond- sa parole biblique. Les circonstances de l´époque rendirent impossible à Thérèse l´accès à la Bible. Dans les Index des années 1551, 1554 et 1559, on trouvait l´interdiction de publier la Sainte Ecriture en langue vulgaire et la seule utilisation autorisée était celle de citations dans des livres de contenu religieux. La Parole lui parvient tout d´un coup, à contre-temps, et même, parfois au-milieu d´une conversation, très en profondeur, elle s´impose en paroles et en actes.

11. Saint Jean de la Croix parle aussi des locutions de Dieu: Et elles sont tellement opportunes et précieuses, qu´elles sont pour l´âme vie, courage et bienfait incomparable, et plus de bien lui fait l´une de ces paroles  que tout ce qu´elle a pu faire pendant sa vie. Pour celles-ci, point n´est besoin que l´âme fasse quoi que ce soit (ni vouloir, ni ne pas vouloir, ni écarter, ni craindre)...Heureuse l´âme à laquelle Dieu parle. Parle, Seigneur, ton serviteur écoute (1 R 3,10; Montée au mont Carmel, XXXI).

12. Pour la révision personnelle ou en groupe: Que signifie pour toi la Parole de Dieu? Ce que Dieu a dit, Dieu qui parle aujourd´hui, ce que le Christ a dit, le Christ qui parle aujourd´hui...Ou encore: Est-ce que j´écoute la Parole de Dieu? Comment est-ce que je l´écoute?

            *comme une parole vivante, qui se réalise dans les faits

            *comme une parole vivante et efficace, qui remet en jeu toute

             ma personnalité

             *j´insiste sur ce qui ravive ou découvre des vécus transparents

             *je respecte l´initiative de Dieu sans la forcer

             *comme un miroir dans lequel apparaît ma vie

             *comme un sujet de réflexion