Au Au commencement était le mot
 

L´expérience de foi est expérience communautaire. Si elle est partagée, l´expérience de foi “crée communauté”: la Parole de Dieu unit ceux qui l´écoutent (Lc 8,21). Et en même temps, la communauté est le milieu approprié pour qu´ait lieu cette expérience de foi. Et cependant, combien de croyants arrivent à vivre leur foi en communauté? Nombreux sont ceux qui butent sur cette réalité si souvent dénoncée: l´absence alarmante de communautés vivantes. La massification, l´individualisme et l´anonymat sont des défauts contraires à la communauté ecclésiale. La destruction du tissu communautaire de l´Eglise apparaît de façon évidente. Dans bien des cas: ne nous trouvons-nous pas devant un champ d´os desséchés (Ez 37)? Ne sommes-nous pas en présence de la confusion de Babel (Gn 11)?   
Babel est le nom hébreu de Babylone. Dans la Bible, Babylone est une ville-symbole. Comme l´est Jérusalem, mais à l´inverse. Peu à peu, apparaît la conscience de ce qu´une expérience est profondément en action sur la terre: Babylone et Jérusalem, face à face, sont les deux villes entre lesquelles se répartissent les hommes; la cité de Dieu et la cité du pouvoir, ennemi de Dieu.
Le récit de la Genèse (11,1-9) présente sous une forme simple l´erreur de Babel. Elle est décrite comme une révolte qui  a les caractéristiques du péché originel, radical. Babel est le symbole de l´orgueil humain, qui prétend atteindre la plénitude de la vie, et même le ciel, par son propre pouvoir, en se passant de Dieu. Cette prétention, qui est, dans le fond, de l´idolâtrie, plonge Babel dans une situation trompeuse, dont les conséquences se manifestent postérieurement.
L´orgueil dont font preuve des hommes qui construisent leur cité sans Dieu porte comme fruit un mystère d´incompréhension, d´absence de communication, de confusion: descendons, et là, créons la confusion dans leur langage, de façon à ce que pesonne ne comprenne celui de son prochain (11,7). Babel qui, en réalité, signifie porte de Dieu, finit par devenir, paradoxalement, la cité de la confusion, la cité de la complication.
La dispersion est le résultat final qui complète ce processus (idolâtrie, absence de communication, dispersion): A partir de là, le Seigneur les dispersa sur toute la surface de la terre (11,9). C´est le jujement de Babel, la sentence contre la cité du mal. Les armées de Xerxès la mettent à exécution vers l´an 485 avant Jésus-Christ. Babylone devient une ville déserte, abandonnée, évitée, la ville du néant.
A cause de son infidélité, Jérusalem, elle-aussi, partage le mystérieux destin de Babel. Parce qu´elle a oublié sa mission, Jérusalem s´entend communiquer, de la part de Dieu,une substitution. D´autres peuples la remplaceront. Saint Paul voit comment la prophétie d´Osée s´accomplit dans les peuples qui proviennent de la non-croyance: J´appellerai “mon peuple” celui qui n´est pas mon peuple; et “bien-aimée” celle qui n´est pas ma bien-aimée. Et là où il a été dit:”Vous n´êtes pas mon peuple”, on les appellera: Fils du Dieu vivant (Ro 9,25-26).
La Pentecôte est le contrepoint de Babel. Alors que le mystère de Babel réside dans l´idolâtrie, celui de la Pentecôte réside dans la foi: la foi en Christ, mort et ressuscité, constitué Seigneur de l´histoire (Ac.2,36).  Le Seigneur ressuscité se rend présent dans la dynamique de l´Esprit. Le don de l´Esprit manifeste l´accomplissement de la promesse de Jésus (Jn 14 et 16). Ce qui est en train de se produire, dit Pierre, c´est ce qu´ont annoncé les prophètes: En ces jours-là,-dit Dieu-, je répandrai mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront; vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards auront des songes (Ac 2,17-18).
L´esprit se présente toujours en action. Il est comme le vent: Il souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais ni d´où il vient ni où il va (Jn 3,8). Il est comme le feu, qui brûle dans la prédication des prophètes: Surgit le prophète Elie comme du feu, sa parole brûlait comme une torche (Sir  48,1). L´expérience de l´Esprit, avec ses signes, est comme une langue étrangère, inconnue. Il est dit dans le psaume 81: On entend une langue inconnue: Je libérerai ses épaules du fardeau, ses mains ont déposé à terre leur charge. Une expérience qui réclame une réponse de la part de l´homme, un fruit digne de conversion (Mt 3,8; Ac 2,38).
Si l´expérience de Babel conduit à l´absence de communication et à la confusion  (les gens d´un même peuple ne se comprennent pas), l´expérience de la Pentecôte conduit à la communication et à la compréhension (des gens venus de toutes parts se comprennent parfaitement ): Chacun de nous les entend célébrer les merveilles de Dieu dans sa propre langue (Ac 2,11).
Si l´expérience de Babel conduit à la dispersion, l´expérience de la Pentecôte conduit à la réunion, à la communion, à la communauté. La communauté qui en surgit est l´Eglise: Et il s´adjoignit ce jour-là environ trois mille personnes. Ils se montraient assidus à l´enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (2,41-42). Et aussi: La multitude de ceux qui croyaient n´avaient qu´un coeur et qu´une âme; nul n´appelait son bien propre rien de ce qui lui appartenait, mais tout leur était commun (4,33).
Ainsi naquit, ainsi renaît, et ainsi se renouvelle l´Eglise, qui est communauté: en faisant retour au cénacle (Ac 1,13-14 et 2,1), à la Pentecôte, aux sources de l´expérience communautaire des Actes des Apôtres. Face à la massification, à l´individualisme et à l´anonymat dominants, il est nécessaire de promouvoir la dimension communautaire de l´Eglise, de reconstruire le tissu communautaire de l´Eglise. Le Concile Vatican II rappelle que Dieu a voulu sauver les hommes non pas individuellement et isolés les uns des autres, mais formant un peuple (LG 9). Ceci nous invite à réviser notre expérience communautaire de la foi.
L´unité de l´Eglise est catholique (universelle), comme il est dit depuis le IIº siècle, pour réunir toutes les diversités humaines (Ac 10, 12 et suivants), pour s´adapter à toutes les cultures (1 Co 9,20 et suivants), pour contenir l´univers tout entier (Mt 28,19). Sans aucun doute, dans l´Eglise d´aujourd´hui, il faut plus de respect pour la diversité légitime, de même qu´il faut aussi plus d´unité dans ce que la foi a de fondamental. Lors de son dernier repas, Jésus a prié  pour l´unité des disciples: “Que tous soient un” (Jn 17,21). Des hommes unis dans le mystère de Dieu naît le mystère de l´Eglise, un mystère proposé à notre expérience, un mystère qui est à notre portée. Comme le dit le Seigneur: Là où deux ou trois se trouvent assemblés en mon nom, je suis au-milieu d´eux (Mt 18,20).