Au Au commencement était le mot
 

1.      De notre temps, deux mille ans après, la question est encore vivante: Qui est Jésus de Nazareth? Un mythe? Un prophète? Un révolutionnaire? Un frère pour chaque homme? Quelqu´un qui agit dans notre vie? Celui sans qui rien n´aurait de sens? Nous nous approchons de sa personnalité, en avançant peu à peu, par des approximations successives : des données plus externes ( même si elles sont contradictoires) jusqu´aux aspects plus profonds, que l´on ne peut connaître qu´à travers une expérience vivante de foi.

2.      Nous commençons par les données les plus externes. Jésus de Nazareth apparaît parmi nous humblement, comme n´importe quel homme (Ph 2,7). Il naît à Bethléem (Mt2,1;Lc2,4) au début de notre ère, sous le mandat de l´empereur Auguste (de l´an 27 avant J.C à 14 après J.C) et sous celui du roi Hérode de l´an 27 à 4 avant J.C, er non pas à Nazareth où il est élevé (Lc 4,16).Il est baptisé par Jean l´année quinze de l´empereur Tibère (Lc 3,1-21); vers l´année 28  après J.C sa mission commence, quand il a à peu près 30 ans (Lc 3,23). Condamné sous Ponce Pilate (26-36 après J.C) il meurt crucifié vers l´année 30.

3.      Les sources non chrétiennes parlent de Jésus, quand les chrétiens sont déjà nombreux. L´historien romain Tacite (début IIème siècle) en parle quand il traite la première persécution des chrétiens sous Néron ( l´année 64 après J.C.): " Ce nom vient de Christ, celui que le procureur Ponce Pilate avait condamné à mort, sous le règne de Tibère. Cette odieuse superstition, réprimée pendant un certain temps, s´étendit à nouveau, non seulement en Judée, où le mal était né, mais aussi à Rome où conflue tout ce qui est détestable et malhonnête et où l´on a trouvé de nombreux adeptes" ( Annales 15,44).

4.      D´autres sources non chrétiennes: une lettre du gouverneur de l´Asie Mineure, Pline le jeune, à l´empereur Trajan (année 110 après J.C.), dit, entre autres, que les chrétiens se réunissent , à date fixe, dans un simple déjeuner et que, non seulement, ils refusent de rendre hommage à l´empereur mais qu´ils "chantent un hymne en l´ honneur du Christ, comme s´il était Dieu"(Lettres 10,96; voire aussi Suétone, Vie de Claude 25,4). Vers l´année 90, l´historien juif Flavius Josèphe parle de la lapidation en l´an 62 de Saint Jacques, le "frère de Jésus, appelé le Christ" (Antiquités juives XX,9,1; voire Ac 12,2,17). Dans le Talmud juif on peut lire: " Jésus de Nazareth fut crucifié, parce qu´il pratiquait la magie et qu´il conduisait le peuple hors du bon chemin".

5.      Les adversaires accusent Jésus de parler comme un prophète, mais sans vivre comme un prophète. Ils comparent sa façon de vivre avec celle de Jean: Jean et ses disciples jeûnent, Jésus mange et boit (Mt 11, 16-19). De plus, il le considèrent dangereux: il dérange l´ordre établi, il rompt les règles du jeu religieux et social. On l´accuse de violer le sabbat, de se faire égal à Dieu (Jean 5,18), d´avoir un démon (8,48; Lc 11,15). Naturellement Jésus n´enseigne pas la vieille théologie saducéenne. Les saducéens sont partisans de pacter avec l´empire, ils pensent que Dieu laisse le monde à son destin, ils disent que la résurrection est une nouveauté sans fondement.

6.      Les gens qui le suivent perçoivent Jésus comme un prophète (Mt 16,14). Tu es prêtre à jamais selon l´ordre de Melchisédech (Ps 110; Hb 5,6) . Mais il n´est pas prêtre selon l´ordre lévitique. Dans le contexte social et religieux de son temps, Jésus apparaît comme un prophète habillé normal (voire Jn 19,23). Soupçonné par la classe sacerdotale, il entame un mouvement ; ceux qui le suivent sont des gens simples. Il enseigne la Parole et forme communauté (Mc 2,3; Lc 8,21). Sa façon d´enseigner est profane, populaire, directe. Il annonce au peuple l´action de Dieu dans l´histoire (Mt 3,2) il proclame les signes qui libèrent (Mt 11,5).

7.      Jésus est un homme libre. Il se doit a sa propre mission au-delà du pain (Lc 4,4), au-delà de la possession (9,58), au-delà du pouvoir (13,31-33) au-delà de la famille (8,19), en renonçant même à la vie conjugale (Mt 19,12). Cette liberté est insolite. Les disciples qui le suivent pressentent une personnalité exceptionnelle chez lui. Ils perçoivent, plus ou moins inconsciemment, que cette personnalité n´a pas de fondement en elle-même, mais ailleurs. Ainsi, par exemple, la samaritaine se demande: Ne serait-il pas le Christ? (Jn 4,29).

8.      Le titre juif de Messie (en grec Christ, qui signifie Oint) fait référence au roi si longtemps attendu, qui remplacerait la domination étrangère par la souveraineté de Dieu. C´était un titre dangereux, car il était associé à des attentes nationalistes. Bien que ,au moins l´un de ses disciples, Simon appelé le Zélote, l´eût été (Lc 6,16), nulle part Jésus n´apparait comme partisan de la révolution violente. Dans le procès qu´on mène contre lui, Jésus précise sa position: Mon règne n´est pas d´ici (Jn18,36). Malgré tout, il est condamné comme subversif, ainsi dit l´écriteau de la croix: roi des juifs (19,19).

9.      Au fond, la cause que mène Jésus est d´origine religieuse, mais elle a des conséquences sociales et politiques. Jésus fait face au système religieux, politique et social, dont le symbole est le temple (Mc 11,17; Jn 2,13-22). Tout est dominé par les mêmes personnes: une hiérarchie sacerdotale, qui reçoit son ministère par héritage, qui ne jouit pas de la sympathie populaire et qui - dépendante du pouvoir de l´occupant romain - exerce son pouvoir avec d´autres groupes influents: les pharisiens, les saducéens, les riches. Les imprécations qu´il a lancées contre eux manifestent une grande indignation (Lc 11,39-54; 6,24). Jésus condamne leur attitude présomptueuse (Lc 18,9-14) et leur rôle social et religieux (Mt 23). Il opte pour les petits et les pauvres (Lc 4,18), pour la foule soumise par les puissants (Mt 9,36).

10. Jésus se définit lui-même avec un nom mystérieux: le fils de l´homme. Dans les évangiles ce titre apparaît toujours dans la bouche de Jésus (Mc 10,13; Jean 9,35). Il provient de la prophétie de Daniel. Un espoir est annoncé à un peuple croyant, poursuivi à mort par des pouvoirs bestiaux: Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d´homme. À lui fut confié un empire qui ne passera point. (Dn 7,13-14). Dans le rêve de Daniel, des réalités humaines (politiques) apparaissent comme des bêtes sauvages et des réalités divines apparaissent comme des êtres humains (Dieu, le Fils de l´homme) . Jésus est le Fils de l´homme, crucifié par des pouvoirs bestiaux et institué Seigneur de l´histoire, au même titre que Dieu. Dans un défi impressionnant, Jésus dit à Caïphe: Dorénavant , vous verrez le Fils de l´homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel (Mt 26,64).

11. De plus, Jésus se définit lui-même comme le fils de Dieu. Dans la Bible, ce titre est utilisé fréquemment pour exprimer une relation spéciale de l´homme avec Dieu. Ainsi le juste est fils de Dieu (Sg 2,28); ceux qui reçoivent la Parole (Jn 1,12-13) et ceux qui ressuscitent (Lc 20,36) le sont aussi. Néanmoins chez Jésus ce titre reçoit un sens unique : il est le fils (Mc 13,32; Mt 11,27; 21,37), égal au père: Moi et le Père nous sommes un (Jn 10,30; voire 5,16-18). Le nom de Fils exprime que la relation de Jésus avec Dieu est la plus grande qui puise exister. En enseignant dans le temple, Jésus pose la question de sa propre identité, identité qui rompt les schémas mentaux du judaïsme: Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David? C´est David lui-même qui a dit par l´Esprit Saint: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Siège à ma droite… David en personne l´appelle Seigneur: Comment, alors, peut-il être son fils? (Mc 12,35-37; voire Ps 110).

12. L´Église naissante considère que l´essentiel de sa foi est la confession du Christ. Pierre le proclame le jour de la Pentecôte: Dieu l´a fait Seigneur et Christ (Ac 2,36). Et aussi: Sous le ciel il ne nous a été donné un autre nom pour pouvoir nous sauver. Paul le dit: Aussi Dieu l´a-t-il exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,9). Il est  l´image du Dieu invisible, premier-né de toute créature, tout subsiste en lui, il est le premier-né d´entre les morts (Col 1,15-20; voire Lc 20,36).

13. Jésus est le Seigneur, au même titre que Dieu et il a avec Dieu une relation d´origine: C´est le Fils de Dieu. Par inspiration divine, Pierre l´a anticipé dans sa confession de Césarée (Mt 16,16; voire Mc 1,11). Il l´est depuis toujours. L´Evangile tout entier s´appuie sur cela: Que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu (Jn 20,31). C´est lui la Parole qui habite parmi nous (1,14). La confession de foi est exprimée par des formules brèves: Jésus est le Seigneur (1 Co 12,3), Jésus est le Christ (1 Jn 2,22), Jésus est le fils de Dieu (Ac 8,37; 1 Jn 4,15; Hb 4,14). Le symbole du poisson est aussi une simple confession de foi: le mot grec ICHTHYS (poisson) correspond aux initiales de cette confession de foi: Iesoûs. Christòs, Theoû Yiòs, Sotèr (Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur). Mais ne l´oublions pas , nul ne connaît le fils si ce n´est le Père (Mt 11,27). Nous avons besoin que ce soit Dieu lui-même qui nous le dise, une expérience vivante de foi.

Dialogue: Pour nous , qui est Jésus de Nazareth?