Au Au commencement était le mot
 
51. LA CRÉATION, DON DE DIEU

1.  L´action créatice de Dieu est à l´origine de tout; mais nous avons besoin de découvrir, tout d´abord, l´expérience de foi, pour vivre le monde et la vie en tant que don de Dieu. Et c´est ce qui se produit dans la Bible. L´action de Dieu est antérieure: “Mon père était un Araméen qui descendit en Égypte pour s´y réfugier...” (Dt 26,5-9); “nous étions esclaves en Égypte et le Seigneur nous en fit sortir de main de maître” (6,20-24); “Il nous a donné cette terre où coulent le lait et le miel”. Israël découvre en premier Dieu en tant que Seigneur de l´histoire, puis il le reconnaît comme Seigneur de la création. Ainsi en est-il pour nous qui, après avoir découvert le Dieu vivant qui passe et qui sauve, pouvons vivre la création comme don de Dieu.
2. Il est évident qu´il existe des positions diverses. Certains affirment, par exemple: tout est Dieu, le monde est Dieu (panthéïsme); d´autres qu´il y a deux principes: le bien et le mal, et qu´ils sont en lutte permanente (dualisme); ou encore que le monde matériel est mauvais, il convient donc de le rejeter et de le dépasser (gnose); que seule la matière existe et elle existe infiniment (matérialisme); que Dieu n´existe pas (athéïsme) ou qu´on ne peut le connaître (agnosticisme); que le monde suit son cours, Dieu n´ intervient pas dans l´histoire (deïsme); que “nous ne devons pas utiliser Dieu pour boucher les trous des imperfections de nos connaissances” (D. Bonhoeffer); que l´évolution du monde s´est produite par hasard (positivisme); que “le à tâtons n´est pas seulement le hasard, mais le Hasard orienté” (Teilhard de Chardin).
3.  À partir de l´expérience de foi en cours, le commencement de la Genèse nous invite à vivre le monde et la vie comme don de Dieu, comme tâche de l´homme, comme une immense raison de louange pour le Père de qui tout procède. Le récit est rédigé vers le Vº siècle avant Jésus Christ, par des prêtres exilés à Babylone qui veulent maintenir leur identité de croyant en terre étrangère. Présenté sous des formes littéraires et des images de l´époque, le récit contient un message de valeur permanente en ce qui concerne Dieu, l´homme et le monde.
4.  “Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre n´était que  chaos et vide, les ténèbres couvraient l´abîme et le souffle de Dieu  virevoltait à la surface des eaux (Gn 1,1-2). Le chaos, le vide, les ténèbres, l´abîme et les eaux sont des images qui nous ramènent au commencement, quand il n´y avait rien. L´idée de création à partir du néant sera formulée postérieurement (2 M 7,28). L´expression “ciel et terre” désigne toute la realité. Le récit assume la vision ancienne du monde: la terre en bas, le ciel en haut, la voûte céleste qui sépare les eaux d´en haut des eaux d´en bas. Pour notre part, nous assumons la vision moderne du monde. Mais le message est le même: l´univers entier a été crée par Dieu. Comme la représentation de l´oiseau qui vole au-dessus du nid où sont ses petits, ainsi apparaît Dieu virevoltant à la surface des eaux.
5.  Le récit de la Genèse présente l´ensemble des êtres créés dans une succession qui finit par aboutir à l´homme. La mise en ordre est sommaire et globale, et elle ne prétend pas donner une explication scientifique de l´origine du monde, mais une vision de foi. L´organisation est croissante: les êtres inférieurs apparaissent les premiers, et leur succèdent les êtres supérieurs. Font leur apparition la lumière (1,3-59, le firmament (1,6-8), la terre et la mer, la végétation (1,9-13), les astres, le soleil, la lune et les étoiles (1,14-19), les animaux qui vivent dans l´eau et dans l´air (1,20-23), les animaux qui vivent sur terre et, enfin, l´homme (1,26-31). À la fin, au sommet de la création,apparaît l´homme, image de Dieu: “Dieu créa l´homme à son image; à l´image de Dieu il le créa; homme et femme il les fit. Dieu les bénit et leur dit: Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la”(1,27-28). L´homme, créé homme et femme, est image de Dieu; il participe à son pouvoir créateur, domine la terre et a entre les mains une tâche dont dépend le destin du monde. Le monde tel qu´il est est bien, et même très bien  (1,31).
6.  Le récit présente la création dans le cadre d´une semaine qui se termine par le repos du sabbat (Gn 2,1-4). Le cadre en est religieux. Toutes les choses sont ordonnées en fonction de l´homme, et l´homme est ordonné en fonction de Dieu. C´est justement ce qui se célèbre le jour du sabbat: le monde et la vie sont don de Dieu, tâche de l´homme, motif de louange pour le Père. Nous pouvons vivre le sabbat en tant que délice, repos, voyage dans les hauteurs, nourriture, anticipation de l´avenir (Is 58,13-14). Il est dit, dans la lettre aux Hébreux:” C´est donc qu´un repos, celui du septième jour, est réservé au peuple de Dieu”. Nous sommes invités à entrer dans le repos de Dieu et à nous reposer de nos propres travaux, comme Dieu s´est reposé des siens (He 4,9-10).
7.  Le monde n´est pas le produit du hasard et il n´est pas non plus aveuglement orienté: “ Lui qui a façonné l´oeil: il ne verrait pas?” (Ps 94,9). L´univers est un livre ouvert, il nous parle de Dieu: “Les cieux racontent la gloire de Dieu” (Ps 19,2). Le monde reflètela sagesse de Dieu: “Tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids” (Sg 11,20). Plus encore: l´univers est inspiré et Dieu nous parle à travers la création; Dieu dit et cela exista (Gn 1); “au commencement était la Parole”, dit Saint Jean, tout fut crée par elle, et sans elle rien ne se fit (Jn 1,1-3).
8.  Au coeur de l´expérience de foi, nous pouvons découvrir que nous ne sommes pas venus au monde par hasard et que nous ne sommes pas non plus livrés à nous-mêmes de la part de Dieu. Nous avons été appelés par Dieu à l´existence: “Lui appelle les choses qui n´existent pas pour qu´elles existent” (Rm 4,17). Chaque personne est une réalité unique qui peut se reconnaître comme création de Dieu: “C´est toi qui m´as formé les reins, tu m´as tissé dans le ventre de ma mère” (Ps 139). La création n´est pas terminée: “Mon Père continue à travailler, et moi aussi je travaille” dit Jésus (Jn 5,17). Malgré ses limites, l´homme reflète une plénitude qui le transcende: “ Tu l´as couronné de gloire et de dignité, pour qu´il domine sur l´oeuvre de tes mains (...); Seigneur, notre Dieu, que ton nom est digne d´admiration, sur toute la terre!” (Ps 8).
9.  Bien entendu, tous ne voient pas les choses ainsi: “Oui, vains par nature tous les hommes en qui se trouvait l´ignorance de Dieu et qui, (...) en considérant les oeuvres, n´ont pas reconnu l´artisan” (Sg 13,19). La parole de Dieu par laquelle le monde fut fait, “les hommes ne l´ont pas connue”; “elle est venue parmi les siens, et les siens ne l´ont pas accueillie” (Jn 1,10-11). Le concile Vatican II considère que “l´homme peut accéder à la connaissance de Dieu, cela ne fait aucun doute, par la simple raison, au moyen des choses créées”; mais “dans la situation actuelle de l´humanité”, la révélation est nécessaire pour que tous “puissent connaître facilement, avec une certitude absolue et sans erreur” ce qui, par leur propre effort reste inaccessible à la raison humaine (DV 6).
10. Le Symbole des Apôtres professe que Dieu est “le Créateur du ciel et de la terre” et celui de Nicée-Constantinople ajoute: “et de tout ce qui est visible et invisible”. Les lectures de la Nuit Pascale, qui célèbrent l´histoire du salut, commencent par le récit de la création; d´ailleurs, lors des catéchèses des premiers siècles, la préparation des catéchumènes suivait la même progression.
11. Le poème ancien des quatre nuits évoque ces moments dans lesquels notre destin se trouve entre les mains de Dieu: la création, l´alliance, l´exode, l´avenir. Lorsque nous en prenons conscience, “ nous étions comme dans un rêve” (Ps 126), nous découvrons que “Dieu est amour” (Ps 103), qu´ il se trouve à l´origine même de l´être (Ps 139), qu´il se manifeste dans les évènements de la vie (Gn 15,5-18), qu´il est avec nous (Ex 3,15); que, même au coeur des moments difficiles ou quand on est dans la nuit, il ouvre un chemin là où il n´y en a pas: dans le désert, dans la mer, dans la mort. En son nom, nous levons la coupe du salut! (Ps 116).
12. L´histoire du salut culmine avec l´expérience du Christ. Et c´est ce que contemple Paul dans la solitude sonore de sa prison (Ep 4,1): le projet de Dieu. Ainsi le chante-t-il dans la lettre aux Ephésiens:” Béni soit  le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ (...), qui nous a élus en Lui dès avant la fondation du monde” (Ep 1,3-4). Dans son dessein, nous occupons une place antérieure et superieure à la création du monde”. Il nous a élus “déterminant d´avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs” (1,5).
13. De même que, à une autre époque, le peuple de Dieu fut libéré, maintenant nous vivons un nouvel exode par l´intermédiaire du Christ qui  “nous fait connaître le mystère de sa volonté” (1,7-8). Ce mystère se réfère au sens du monde et de l´histoire tel qu´il fut conçu par Dieu: récapituler toutes  choses en Christ, “ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ” (1,10). Paul proclame, stupéfait, le secret: la gravitation la plus secrète du monde et de l´histoire.
14. De même que, en d´autres temps, le peuple de Dieu reçut en héritage une terre, maintenant, nous recevons en héritage une terre nouvelle, et-ce, par l´intermédiaire du Christ. La nouvelle création est en train de naître: “La création tout entière gémit dans les douleurs de l´enfantement” (Rm 8,22). L´expérience de foi pose sur nous un sceau, elle nous marque et elle nous le confirme bien:” Vous avez été marqués d´un sceau par l´Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de votre héritage” (Ep 1,13-14).
15. Cela est un cadeau de Dieu. Nous avons besoin que Dieu illumine les yeux de notre coeur, pour connaître l´espérance à laquelle il nous appelle, la richesse de gloire qu´il donne en héritage aux saints et l´extraordinaire grandeur de son pouvoir vis à vis de nous, les croyants, conformément à l´efficacité de la force puissante qu´il a déployée en Christ:” Il a tout mis sous ses pieds, et il l´a constitué, au sommet de tout, Tête pour l´Église, laquelle est son Corps, Plénitude de Celui qui réalise tout en tous” (1,22-23).
• Dialogue:
-    l´expérience de foi est première
- positions diverses
- nous assumons la vision moderne du monde
- nous vivons le monde et la vie comme un don de Dieu
- comme tâche de l´homme
- comme motif de gloire pour le Père
- à partir de l´expérience de foi
- nous avons été choisis
- le sens du monde et de l´histoire
- la nouvelle création est en train de naître
- c´est un cadeau de Dieu